Galerie virtuelle de passoni
Photo présentation

Née en 1980, originaire de Grasse, ancienne étudiante de la faculté de lettres d’Aix en Provence et de la faculté de Paris VIII, je suis titulaire d’une licence en Arts Plastiques. Ma pratique personnelle s’est focalisée depuis plusieurs années autour du thème de la mutation, et de ses conséquences esthétiques, sémantiques et temporelles. Les photographies ci-jointes illustrent l’état actuel de mes réflexions.
Les œuvres de cette série sont le reflet d’une interrogation quant à la portée de la transformation que l’artiste opère sur les matériaux qu’il emploie. Lorsque ces matériaux consistent en des objets manufacturés, leur sens premier se trouve inévitablement investi dans le théâtre de l’œuvre et subséquemment modifié par elle tout autant qu’il la modifie. En outre, l’objet en question conserve rarement son intégrité originelle : peinture, sculpture, découpe et toutes autres opérations qui lui sont appliquées, transforment, plus ou moins profondément la matière, mais aussi le sens associé.

Il s’agissait avant tout de définir ce sens primordial qui serait l’objet de la transformation, puisqu’il ne saurait être question de changement sans évoquer l’état initial du sujet. Ce sens primordial devait impérativement présenter une valeur universelle, on pourrait parler de sens commun, c'est-à-dire se trouver communément partager par l’ensemble des publics afin que ceux-ci puissent percevoir l’étendue de la transformation. Dans cette optique le choix de la poupée « Barbie » s’est avéré pertinent à l’aune de son essence iconographique.

La poupée « Barbie » matérialise le canon esthétique féminin occidental. Elle condense l’ensemble des critères normatifs propres à la perception culturellement déterminée de l’idéal corporel. Or, si sa perfection esthétisée est altérée par le processus créatif, elle n’en demeure pas moins évocatrice d’idées, transcendant la raison commune. Par ailleurs, la matière plastique dont elle est formée autorise une multitude de transformations, infligées soit par combustion soit sous l’action de la chaleur . Figure unique devenue objet de masse, la poupée incarne parfaitement le statut d’icône tel que l’envisageait Andy WARHOL (Ten Lizes, 1963). Le recourt aux pochoirs figurant des icônes propres aux années 80, accentue la mise en perspective de l’objet tridimensionnel. D’un côté des images des héros de mon enfance, stéréotypes de la jeunesse, schématisés, simplifiés, démultipliés, vestiges nostalgiques d’un passé révolu, de l’autre la poupée, contemporaine de ces dessins animés mais survivante de cette époque.

A ce propos, on remarquera que la mutation de l’objet s’opère nécessairement entre un avant et un après. Cela rompt avec l’œuvre traditionnelle devant laquelle le spectateur occupe le présent : le temps ne faisant pas sens pour lui. Ce thème de l’évolution introduit ainsi les préoccupations liées à la temporalité d’un sujet qui affirme son histoire et par la confrontation des sujets bi et tridimensionnels.

La dégradation et/ou la déformation de la poupée concourent ici à son intégration au sein de l’œuvre, tant sur un plan esthétique que sémiologique. Quant au jeu chromatique que manifeste l’accumulation des pochoirs, il trouble sensiblement la perception des corps déformés dans l’espace pictural.

La dégradation est un concept dont la définition et l’usage sémantique sont nettement réduits à ses aspects péjoratifs. Il suffit de songer aux termes de « déchéances », de « dégâts » ou encore de « délabrement » qu’on lui associe volontiers. Selon les dictionnaires elle suggère également la destruction, voire la profanation. Le verbe « dégrader » y désigne le fait de rendre quelque chose progressivement mauvais ou de lui faire perdre de sa valeur. Pourtant, l’histoire des Arts ne manque pas d’exemples où la dégradation participe à l’élaboration de l’œuvre et non à sa disparition. YVES KLEIN et ses peintures de feu ; ARMAN et ses colères ; ainsi que les compressions de CESAR qui créent une médiation entre l’objet quotidien (la voiture) et l’espace muséal.

Finalement, ces œuvres génèrent une résonance entre passé et présent, sens originel et sens acquis au cours du processus artistique, enfance et âge adulte, esthétisme pop et primitivisme. Elles invitent, consciemment ou non, au renouvellement du regard.


Les premiers travaux de cette étude recouraient à la combustion des poupées. J’utilise désormais un décapeur thermique qui me permet de mieux maîtriser la combustion, ou plutôt la liquéfaction du plastique. La poupée est ainsi modulable et manipulable avec la main. C’est surtout un moyen de m’affranchir de la mythologie du feu en privilégiant la déformation à la dégradation.